Financement participatif: origine et évolution
- Etienne
- 23 janv. 2017
- 9 min de lecture
Chapitre I - Le financement des TPE/PME sans les banques : émergence d’alternatives au financement bancaire
2- Le Financement participatif
Le financement participatif en ligne apparaît au milieu des années 2000. Il a évolué au fil des années et sa portée s’est étendue à de nombreux secteurs. Avec 319 millions d’euros collectés en 2015 sur toutes les plateformes confondues de crowdfunding, la France est le premier marché européen, hors Royaume-Uni (Khedri, 2016).
Ces dernières années, des solutions de collecte de fonds auprès de particuliers en faveur des entreprises se sont développées. Nous étudierons dans cette partie l’origine du financement participatif et verront comment des solutions pour les entreprises ont émergé.
2.1 – Les origines du financement participatif
Le concept de financement participatif, également appelé par son équivalent anglais crowdfunding, n’est pas né avec internet. Signifiant littéralement financement par la foule, le crowdfunding est utilisé depuis des siècles pour financer des projets. Un exemple historique d’un projet financé par un grand groupe de personnes fut, entre 1875 et 1880, celui de la Statue de la Liberté. Faute de financement public, une collecte de fonds gigantesque a eu lieu en France et aux Etats-Unis pour financer respectivement la statue et son socle. L’exemple de la Statue de la Liberté illustre bien que l’idée du financement participatif n’est pas nouvelle malgré la récente démocratisation de l’expression et du terme crowdfunding avec l’apparition de plateformes dédiées à ce type de financement.

Les nouvelles technologies ont réinventé le financement participatif. En facilitant la communication, internet permet de rassembler, plus facilement qu’auparavant, un grand nombre de personnes autour de projets. On distingue plusieurs types de financement par la foule : les projets financés par des dons avec ou sans contrepartie, le prêt ou encore l’investissement en capital d’entreprises.
En France, la campagne du Téléthon qui permet de collecter de l’argent auprès des français pour financer la recherche sur les maladies rares est un exemple de don sans contrepartie. Des entrepreneurs se sont inspirés de ce modèle de financement et ont lancé des plateformes dans l’objectif de lever des fonds auprès du public pour une multitude de projets. Les principaux bénéficiaires sont souvent des associations humanitaires, des organismes caritatifs ou encore des partis politiques. Ce type de financement s’est étendu par la suite à d’autres activités et notamment au milieu artistique.
Dès 2004 la société de production Guyom Corp lance un appel aux fonds sur un site dédié pour financer le tournage du film Demain la veille de Julien Lecat et Sylvain Pioutaz. L’industrie musicale, traversée par la crise liée à la chute des ventes de CD et aux téléchargements a également trouvé un relais de croissance dans le crowdfunding. Ce système permettait alors au secteur de trouver une nouvelle source de financement et d’impliquer le public dans la promotion de nouveaux artistes. Toutefois ces derniers financements se différencient des dons « solidaires » comme ceux aux œuvres caritatives ou humanitaires du fait que les particuliers s’attendent généralement à une contrepartie.
Les premières plateformes répondaient à une demande spécifique et à un secteur ciblé. My Major Company, un des pionniers dans le financement participatif en France, lancé en janvier 2007 se présentait comme un label musical participatif avant de se diversifier sur une plus large gamme de projets à financer.
Par la suite des plateformes se sont créées en s’adressant directement à un public plus large, c’est le cas de Kiss Kiss Bank Bank fondée en 2010 qui « cible les secteurs de la création, de l’innovation, de la solidarité ». Toutefois, des acteurs créés plus récemment ont cherché à se différencier des plateformes déjà bien établies en ciblant à nouveau des niches pour se développer. Ainsi on a pu voir ces dernières années se développer des plateformes spécialisées dans le financement de projets portés par des agriculteurs avec Miimosa, par des associations sportives avec La Financière du Sport, ou encore par des personnes du milieu viticole avec la plateforme Fundovino. Enfin, d’autres plateformes ont décidé de se focaliser sur la proximité géographique en s’ancrant dans un territoire. C’est le cas de la plateforme GwenneG, fondée en 2015, qui se concentre uniquement sur les projets bretons.
Les internautes financent des projets en lesquels ils croient et leur don prend la forme d’un acte militant. Ils s’impliquent, donnent leur avis et forment une sorte de communauté autour du projet. Des entrepreneurs ont vu là l’opportunité de tester leur idée sur le marché. En confrontant leur projet à un premier public sur une plateforme de crowdfunding, ils peuvent évaluer l’intérêt que celui-ci suscite et recevoir des critiques constructives pour l’améliorer.
Le crowdfunding dépasse alors le simple apport financier et devient un outil de communication et d’analyse pour élaborer un projet entrepreneurial, tout en limitant les frais. Les donateurs deviennent alors des ambassadeurs du projet, partagent l’idée autour d’eux et seront certainement, une fois le projet concrétisé, les « early adopters » des produits lancés par l’entrepreneur. Celui-ci peut offrir en guise de remerciement et de contrepartie des prix réduits à la communauté ou la possibilité de pré-commander le produit afin de le recevoir parmi les premiers d’un côté, et d’assurer une vente de l’autre, et ainsi générer une relation gagnant-gagnant.
2.2 – L’émergence d’une nouvelle forme de financement participatif : le crowdfunding en capital
Après les premiers succès rencontrés par ces plateformes auprès des porteurs de projets et des donateurs, certaines personnes ont cherché à dépasser le concept initial en offrant non plus une simple contrepartie aux financeurs mais une rémunération. Ceci a conduit à l’apparition d’une nouvelle forme de financement participatif : le financement en capital de start-ups et le financement sous forme de prêt.
Rapidement après l’essor du crowdfunding en ligne, des plateformes mettant en relation individus et start-ups en recherche de fonds sont apparues. Le plébiscite des entrepreneurs pour le financement participatif a convaincu d’autres entrepreneurs de lancer des plateformes pour permettre aux start-ups de lever de l’argent non plus uniquement pour un projet précis mais en fonds propres pour permettre le développement de l’entreprise.
De donateurs, les particuliers deviennent investisseurs. Ce modèle permet à ces derniers de détenir des parts dans les sociétés dans l’optique de faire fructifier leur épargne. Le rôle d’intermédiaire des plateformes devient plus complexe car celles-ci doivent s’assurer de la viabilité du projet. Les dossiers sont analysés et sélectionnés avant d’être présentés au public. Les intermédiaires ont aussi un rôle pédagogique puisqu’ils doivent sensibiliser les investisseurs au risque. En effet, l’investissement en capital dans une start-up est financièrement très risqué et les investisseurs peuvent perdre une partie ou la totalité du montant investi. De plus, les fonds placés sont illiquides puisque l’investisseur ne peut récupérer sa mise qu’à la condition que ses parts soient rachetées, l’horizon de sortie est donc incertain.
Si le fait de détenir des actions dans une entreprise n’est pas nouveau depuis la création du statut de société par actions, c’est la première fois qu’une multitude d’investisseurs peut devenir actionnaires d’entreprises non cotées. Ceci était auparavant réservé à des profils d’investisseurs bien particuliers. Investir dans des startups est l’activité des fonds de capital-risque, des fonds d’amorçage ou encore de réseau de business angels. Mais les plateformes d’equity crowdfunding ont permis de démocratiser ce type de financement en permettant aux particuliers d’investir à partir de 100€ et de devenir ainsi, grâce au regroupement de tous les investisseurs, business angel pour des montants nettement inférieurs que ceux investis par les investisseurs professionnels.
La recherche de financement d’amorçage est un passage critique pour une entreprise. Les plateformes de financement participatif en capital viennent enrichir l’offre existante. Toutefois les montants levés sont généralement plus faibles que ceux levés par les fonds « classiques ». Les levées de fonds étaient plafonnées à un million d’euros jusqu’à récemment[2] et la plupart des financements se situent entre 200 et 500 millions d’euros. Nous sommes très loin des 177 millions d’euros levés par Blablacar en 2015 auprès des fonds d’investissement Insight Venture Partners et Lead Edge Capital. Bien entendu cet exemple est anecdotique puisque la moyenne des levées en 2015 était de 2,6 millions d’euros (Maignan,2016). Mais ceci nous permet de voir dans les fonds d’investissement un relais de croissance dans le financement des startups ayant réussies et donc une opportunité de sortie pour les investisseurs particuliers initiaux.
2.3 – Le crowdlending, petit nouveau du financement participatif
L’autre forme de financement participatif rémunéré mentionnée ci-dessus est le financement sous forme de prêt. Comme nous l’avons évoqué, ce type de financement est également appelé crowdlending. Ce système permet à des particuliers ou des entreprises de se financer en s’endettant sans l’intervention des banques. Les fonds proviennent de prêteurs, qui par l’intermédiaire de la plateforme prêtent directement à d’autres particuliers ou aux entreprises, jouant ainsi le rôle des banquiers. Comme tout prêt, l’emprunteur rembourse l’argent reçu plus un taux d’intérêt fixé par la plateforme.

Le rôle principal de la plateforme est de mettre en relation entreprises ou particuliers en recherche de financement et individus à la recherche de rendement pour leur épargne. Mais tout comme dans l’equity crowdfunding, l’intermédiaire ne se cantonne pas à créer une simple place de marché. Un travail de sélection et d’analyse des entreprises est effectué en amont par la plateforme. Les analystes identifient un niveau de risque par dossiers et communiquent les informations nécessaires pour faciliter la prise de décision d’investir ou non pour les prêteurs. Le taux d’intérêt est naturellement corrélé au niveau de risque identifié par les analystes.
Enfin, une fois les fonds levés auprès des investisseurs et remis à l’entreprise, la plateforme est en charge de gérer le remboursement pendant toute la durée de l’emprunt et de gérer les éventuels problèmes pouvant survenir. La durée de l’emprunt varie de 18 à 60 mois.
L’essor de ce type de financement en France est bien plus récent que le crowdfunding classique ou le crowdequity. Si les premières plateformes de prêt ont été créées dès 2007 au Royaume-Uni il faut attendre fin 2013 pour voir apparaître leurs homologues français. L’activité du prêt était extrêmement réglementée jusqu’en 2013. Le métier de prêteur était jusqu’alors réservé exclusivement aux banques. L’activité de prêt s’est d’abord majoritairement concentrée sur les échanges en P2P (peer to peer), ce n’est que dans un deuxième temps que des solutions se sont développées pour financer les entreprises. En France, de par l’évolution plus tardive de la réglementation sur l’autorisation d’octroyer des prêts les plateformes de crowdlending pour les particuliers et pour les entreprises se sont développées simultanément.

Le crowdlending est une des activités des fintech les plus médiatisés. Ceci est dû au modèle « disruptif » des plateformes et à l’impressionnante croissance du secteur. Sur une période égale, les montants collectés ont été multipliés par 3 de 2015 à 2016 (crowdlending.fr, 2016). Bien plus que le financement en fonds propres, le prêt participatif s’attaque frontalement aux métiers de la banque et suscite curiosité et scepticisme.
Mais ces sociétés sont-elles plus fin ou tech ?
En apparence c’est bien les nouvelles technologies qui révolutionnent le crédit aux entreprises et aux particuliers. Des algorithmes permettent de se prononcer rapidement sur l’éligibilité des emprunteurs. Véritable place de marché de prêts, les plateformes ont permis de réunir des particuliers extérieurs au monde financier et désireux de faire fructifier leur épargne et des entreprises en recherche de financement. L’exploitation des possibilités offertes par le numérique a permis de supprimer des intermédiaires, de créer une nouvelle relation des emprunteurs face à leur besoin de financement et surtout un gain de temps dans le traitement des dossiers.
Toutefois malgré l’aspect primordial de la tech, ces startups demeurent des acteurs financiers. Contrairement au crowdfunding et à d’autre activités couvertes par les fintech, le crowdlending se confronte à une activité très réglementée. Ce n’est donc pas étonnant que les fondateurs soient issus du milieu de la finance. On ne trouve pas de jeunes diplômés ou des personnes extérieures au secteur parmi les créateurs de plateforme de crowdlending. La majorité des fondateurs et des équipes de management ont plusieurs années d’expérience dans des institutions financières. A titre d’exemple, François Prioux le fondateur d’Unilend, première plateforme française de prêt aux entreprises à s’être lancée, a travaillé plusieurs années à la banque suisse UBS. De même, Olivier Goy fondateur de Lendix, plateforme leader en France en montant prêté, a d’abord fondé et dirigé la société de gestion 123Venture pendant 16 ans. Ces entrepreneurs ont capitalisé sur leur expérience et leur réseau pour construire ces fintech. Par ailleurs ils ont su s’entourer de personnes reconnues sur la place financière. Les crowdlendeurs ont accueilli à leur conseil de surveillance banquiers et personnes influentes. On retrouve par exemple Pierre-Henri Cassou, spécialiste de la régulation financière, au comité stratégique d’Unilend (Unilend.fr, 2016) et Antoine Delon, ancien Managing Director chez Morgan Stanley, à celui de Lendopolis (autre plateforme de prêt) (Lendopolis.fr, 2016). Ces liens étroits entre finance traditionnelle et fintech permettent à ces dernières de gagner en crédibilité et légitimité.
La technologie s’invite dans le monde financier. Les fintech accélèrent la digitalisation du secteur. Certaines startups cherchent à s’intercaler entre banque et consommateur et s’accaparer la relation client. Les acteurs historiques sont forcés d’innover plus rapidement pour garder le contrôle de cette relation. Mais aucun métier ne se confronte aussi directement aux banques que le crowdlending.
Derrière la simple innovation, des financiers veulent briser le monopole bancaire et offrir une nouvelle source de finance aux entreprises. La technologie est un support pour créer une vraie alternative au financement bancaire.
Mais ces nouveaux acteurs peuvent-ils réellement concurrencer les banques ? De quels moyens disposent-ils pour s’attaquer à des acteurs implantés depuis des siècles ?
Les banques ont un lourd héritage qui leur empêchent de se mouvoir rapidement mais leur assure une position forte grâce à l’historique avec leurs clients. De plus l’endettement étant jusqu’alors l’activité exclusive des banques, les places de marché de prêt vont devoir changer les mentalités des emprunteurs et leur rapport au financement.
Rendez-vous la semaine prochaine pour faire un focus sur le fonctionnement des plateformes de crowdlending et étudier les gains et coûts réels pour les épargnants et les entreprises
![endif]--![endif]--![endif]--
Yorumlar