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Faiblesses et Menaces du Financement Participatif

  • Etienne
  • 13 mars 2017
  • 11 min de lecture

Chapitre III – Challenges à dépasser et préconisations pour s’imposer dans le paysage du financement aux entreprises

L’industrie du financement participatif est récente et en pleine croissance mais cette croissance est fragile. Le modèle présente des faiblesses et des menaces pèsent sur son développement. Au cours des deux précédents chapitres nous avons identifié les forces du secteur. Les intermédiaires en financement participatif doivent les exploiter et saisir les opportunités qui se présentent. Nous énumérerons finalement nos recommandations et partagerons notre vision sur les perspectives de développement du secteur dans les années à venir.

1 – Faiblesses et menaces du financement participatif

L’étude détaillée du fonctionnement du financement participatif nous permet d’identifier les forces et les faiblesses du secteur. Les facteurs externes influencent aussi fortement le développement des plateformes. Nous verrons quelles menaces pèsent sur cette industrie naissante et au contraire qu’elles opportunités apporte l’environnement macro-économique. La confrontation de l’analyse micro et macroéconomique nous permet de discerner les points d’attentions et ainsi d’appréhender le développement futur du financement participatif.

1.1 Quelles sont les faiblesses du modèle du financement participatif ?

L’analyse menée précédemment a permis de relever des faiblesses qui freinent l’essor du prêt collectif aux entreprises. Nous pensons que le principal frein pour s’imposer dans le paysage du financement des entreprises est le coût très élevé par rapport aux prix du marché du crédit actuel. Avec en octobre 2016, un taux d’intérêt moyen de 7,1% (crowdlending.fr, 2016), hors commissions, il est difficile de convaincre une entreprise financièrement solide de venir se financer sur une plateforme de prêts. Une PME ayant facilement accès au financement bancaire ne se tournera pas vers cette solution et ce malgré les avantages qu’elle offre. Ces derniers ne sont pas négligeables et nous avons vu qu’il est dans l’intérêt des entrepreneurs de prendre en compte d’autres facteurs que le seul taux d’intérêt mais l’écart avec un crédit bancaire est aujourd’hui trop grand pour espérer attirer un grand nombre de PME bien établies. Dans les conditions actuelles, le financement participatif semble particulièrement adapté aux entreprises créées récemment ou aux sociétés avec un projet spécifique, difficilement finançable par les acteurs traditionnels. Les taux trop élevés restreignent le développement du secteur en limitant son attrait auprès de nombreuses entités. Les bénéfices proposés par le financement participatif peuvent justifier un surplus auprès des emprunteurs par rapport à l’offre bancaire mais ce décalage est aujourd’hui trop marqué. Il y une inadéquation entre l’offre des plateformes et les attentes des entrepreneurs en termes de coûts.

Le modèle du financement participatif présente une autre faiblesse : l’absence de confidentialité dans le projet de financement. Dans le crowdfunding « classique » il est dans l’intérêt du porteur de projet de communiquer et d’expliciter son entreprise pour recevoir l’approbation du public, recevoir des feedbacks et collecter des fonds. Mais cette mise en avant est plus délicate pour une société. L’emprunteur doit en effet détailler son projet et expliquer quelle utilisation sera faite de la somme collectée. Dans un environnement concurrentiel, la nécessité de rendre public un projet d’investissement peut refréner certains dirigeants. Les informations du crédit tels que son taux et sa durée mais également les comptes financiers des derniers exercices sont accessibles en ligne. Si certaines entreprises n’y voient pas d’inconvénients et optent pour la transparence, cet affichage d’informations pouvant être considérées légitimement sensibles peut affecter l’envie de se financer via le financement participatif. Par ailleurs, il y en France une certaine pudeur dans notre rapport à l’argent. C’est un sujet de discussion qui rend mal à l’aise la majorité des français. Le fait que huit français sur dix pensent qu’ « être riche est mal perçu » illustre bien ce rapport ambiguë. Nous pensons donc que lever publiquement une certaine somme d’argent peut gêner certains entrepreneurs de petites structures dans lesquels l’image du dirigeant est directement associée à l’activité de l’entreprise. De par son fonctionnement le financement participatif ne peut s’adresser à tous les profils d’entreprises. L’exploitation par des concurrents des informations communiquées et la description d’un projet de développement clé pour l’entreprise freinent leur volonté de faire appel à ce type de financement.

Nous avons vu que les épargnants français plébiscitent les placements peu risqués et liquides. Nous avons cependant observé dernièrement une migration sur des solutions d’épargne plus risquées. Apparaissant comme un placement rémunérateur, le financement participatif peut attirer les français à la recherche de rendement. Toutefois ce placement ne correspond pas à la deuxième attente des français : la liquidité. En effet, les prêteurs ne recevront la totalité de leur investissement qu’à l’issue de la durée de l’emprunt, celle-ci est en moyenne de 37 mois (Crowdlending.fr, 2016). Bien entendu ils perçoivent les mensualités fixes (comportant une part de capital une part d’intérêt) correspondant à la part qu’ils ont prêtée mais en cas de besoin ils ne peuvent pas récupérer par anticipation le capital investi. Ceci rend le financement participatif moins attractif en comparaison à d’autres placements comme l’assurance-vie ou encore le Plan d’Epargne en Action. Ces deux placements cherchent également à limiter les retraits avec des conditions dissuasives en cas de retrait avant 8 ans (telle que l’annulation de l’exonération fiscale dans le cas de l’assurance-vie) mais ils laissent cependant l’opportunité aux épargnants de récupérer leur argent s’ils le souhaitent. Dans le cas du financement participatif en capital, l’épargne est non liquide. Par définition, l’investissement en entreprise non cotée n’offre pas de liquidité, une fois investie la somme ne pourra être récupérée qu’au rachat des titres de propriété. Ce placement ne correspond donc pas aux personnes souhaitant savoir de manière certaine l’échéance à laquelle elles pourront récupérer leur investissement. Le financement participatif est un placement sur du long terme et ne correspond pas forcément au profil d’épargne prudente qu’ont une majorité de français. Le manque de liquidité, si une difficulté financière survient, représente une faiblesse pour cette solution d’épargne et peut entraver son développement.

Le crowdlending n’existe que depuis un peu plus de deux ans en France et d’après les différentes personnes rencontrées au cours de nos recherches, il semblerait que le secteur souffre encore d’un manque de notoriété auprès des entreprises. L’objectif des plateformes est que ce mode de financement soit naturellement pris en compte lorsque les dirigeants sont à la recherche d’un crédit. Il existe aujourd’hui plus d’une dizaine de plateformes de prêts. On peut considérer qu’il y en trop par rapport à la taille du marché mais cela contribue toutefois à accroître la visibilité du crowdlending. Chaque plateforme partage le même objectif : convaincre le plus d’entreprises de se financer via le prêt collectif. Les différents acteurs du secteur essaient de gagner en visibilité en participant par exemple aux salons des PME, au travers de campagnes publicitaires ciblées en ligne ou en construisant des liens avec des courtiers en financement ou encore avec les Chambres du Commerce et de l’Industrie. Bien entendu chaque plateforme cherche à convaincre les entreprises de venir se financer sur son site mais cela contribue in fine à tout le secteur. Selon Olivier Goy, fondateur de Lendix, les emprunteurs représentent le goulot d’étranglement du système, la collecte de fonds n’est pas le problème. Il dit qu’ « il y un véritable travail d’évangélisation à faire » pour, en premier lieu, attirer les PME sur les plateformes, puis dans un deuxième temps les convaincre des avantages de cette solution. Le crowdequity ne souffre pas du même déficit de reconnaissance. Cela s’explique par son existence un peu plus ancienne mais également du fait que l’activité du capital-investissement est plus spécifique et il y a moins d’acteurs sur le marché. Un travail d’éducation doit être fait pour faire entrer le crowdlending comme un choix parmi d’autre lorsqu’un entrepreneur recherche un financement. Il faut ensuite convaincre les dirigeants de ne pas raisonner uniquement en termes de coût mais en termes d’opportunités.

1.2- Quelles menaces pèsent sur le développement du financement participatif ?

Variations d'encours mensuelles de crédits à l'équipement
Variations d'encours mensuelles de crédits de trésorerie

L’analyse des facteurs macroéconomique nous a permis de voir que la faible reprise économique depuis la crise financière peut être un frein au développement du financement participatif. Si, contrairement à la zone euro, la France a renoué depuis 2011 avec la croissance des crédits accordés, celle-ci reste modérée. Il y actuellement une offre supérieure à la demande de crédits. Il faut que ces intermédiaires réalisent un certain volume de prêts pour atteindre leur seuil de rentabilité. Olivier Goy estime ce seuil entre 80 et 100 millions d’euros de prêts annuels pour que le modèle soit viable. L’Insee estime la croissance du PIB français à 1,1% pour l’année 2016. Une reprise soutenue de la croissance, accompagnée d’une reprise des projets d’investissements des petites et moyennes entreprises serait propice à l’essor du secteur.

La Banque de France note cependant une accélération de la demande de crédit en 2016 par rapport à 2015. En septembre 2016, la croissance des crédits d’équipements étaient de plus de 5% par rapport à l’année précédente tandis que les crédits de trésorerie croissent de plus de 9% (Banque de France, 2016). Il semblerait que cette croissance soit soutenue par le niveau historiquement bas des taux d’intérêts appliqués aux emprunts bancaires. Si cette tendance se confirme, l’augmentation de la demande de crédits représenterait aussi une opportunité pour le crowdlending. La faible reprise économique représente une menace pour le financement participatif. A termes certaines plateformes disparaitront si elles n’arrivent pas à prêter à suffisamment d’entreprises.

Le financement participatif repose sur la confiance que leur accordent les prêteurs. Nous avons vu que contrairement au crowdfunding en dons, avec ou sans contrepartie, les intermédiaires en crowdlending ou crowdequity occupent un rôle primordial dans la sélection des dossiers. Bien que les particuliers soient avertis du risque qu’ils prennent en prêtant à une entreprise il faut que les « crowdlenders » s’assurent que d’après leur analyse les entreprises financées soient suffisamment solides pour rembourser l’emprunt. Comme nous l’avons vu, un taux de défaut trop important ferait fondre le rendement et en conséquence fuir les épargnants. Maîtriser la croissance de l’activité en privilégiant des projets de qualité plutôt que d’opter pour une stratégie de volumes est obligatoire. Le récent scandale autour de la plateforme américaine Lending Club est instructif pour les plateformes françaises. Créée en 2006, Lending Club était la plus grosse plateforme au monde en termes de prêts accordés et son charismatique fondateur, Renaud Laplanche, représentait le visage de l’industrie du crowdlending. Depuis décembre 2014, la plateforme est même listée au New York Stock Exchange. Mais en mai 2016, ce dernier a été forcé à démissionner suite à la découverte d’irrégularités dans la gestion de la plateforme. La société a été accusée d’avoir vendu à un investisseur institutionnel des titres de prêts avec un niveau de risque ne correspondant pas au risque réel des emprunteurs et d’avoir falsifié la date d’émission de la dette. Par ailleurs, la plateforme est critiquée pour son manque de transparence qui s’oppose à l’esprit du crowdfunding. En parallèle, le nombre de défauts a augmenté de manière significative provoquant le mécontentement des investisseurs. A partir de 2010 la demande des investisseurs était plus forte que l’offre de projets à financer. Cédant à cette pression Lending Club s’est montré moins sélectif et a autorisé des emprunteurs à souscrire plusieurs prêts malgré la fragilité des projets.

Lorsque le scandale a éclaté, les épargnants se sont détournés de cette solution et toute l’industrie du crowdlending a souffert de la perte de confiance des prêteurs. Une croissance mesurée et réfléchie est nécessaire au bon développement du financement participatif. En légiférant l’industrie, les pouvoirs publics cherchent à protéger les investisseurs mais c’est aux plateformes elles-mêmes de contenir le taux de défaut à un niveau acceptable pour permettre un développement pérenne.

Cours de l'action Lending Club en 2016 en USD. On observe une baisse progressive de l'action en raison de la hausse des défauts suivie d'une chute brutale en mai suite à la révélation d'irrégularités dans la gestion de la plateforme.

Le financement participatif français a été créé dans un environnement de taux bas particulier. Si cet environnement venait à changer le secteur en serait impacté. Nous avons vu que la politique monétaire de la BCE mise en place depuis quelques années est favorable au crowdlending pour attirer les prêteurs. Cependant cette situation ne peut durer éternellement car elle fragilise le secteur bancaire et d’après les estimations de le Banque Centrale Européenne l’inflation devrait augmenter de nouveau. En décembre 2015, aux Etats-Unis la Réserve Fédérale (Fed) a relevé ses taux directeurs d’un quart de point (désormais entre 0,25% et 0,5%). Plusieurs fois reporté, le monde économique s’attend à une nouvelle hausse des taux de la Fed en décembre 2016. En raison d’une incertitude persistante la remontée progressive des taux est plus lente qu’escomptée. Nous pouvons émettre l’hypothèse que la BCE s’alignera sur la politique de la Réserve Fédérale américaine et que les taux directeurs européens remonteront à leur tour. Ceci entrainerait certainement une remontée progressive des taux des livrets d’épargne et découragerait les épargnants à migrer vers des solutions plus risquées. A court terme ceci permettrait toutefois de diminuer le décalage entre les taux des crédits bancaires et des prêts collectifs et permettrait d’attirer plus facilement des entreprises sur les plateformes. Ce sujet ne semble pas pour autant inquiéter Nicolas de Feraudy qui considère que l’évolution des taux se fera de façon modulée et qu’en conséquence le secteur aura le temps de s’adapter à un nouvel environnement. Nous pensons qu’un changement de politique monétaire impacterait le financement participatif. Cela peut représenter une menace pour le secteur. Les plateformes devront se montrer flexibles et adapter leur offre au nouvel environnement pour continuer de se développer.

En apparence la principale menace du financement participatif semble être la réaction du secteur bancaire et sa capacité à se réinventer et à moderniser ses offres grâce aux nouveaux outils numériques. Mais une autre menace pèse sur le marché du crédit : l’entrée des GAFA dans le monde financier. Ces géants de l’internet bénéficient d’une bonne connaissance des consommateurs grâce à la collecte de leurs données. Ils ont déjà pénétré le secteur du paiement avec des solutions telles que Apple Pay et Android Pay ou encore le système de paiement de particuliers à particuliers sur l’application Messenger développée par Facebook. Le marché du crédit semble plus difficile à pénétrer. Pourtant depuis 2012, Amazon a lancé aux Etats-Unis Amazon Lending : une solution de prêt aux PME qui utilisent la place de marché créée par Amazon pour vendre leurs produits. Amazon Lending est aujourd’hui présent au Japon et depuis 2015 au Royaume-Uni. La France fait partie des sept pays dans lesquels cette nouvelle forme d’émissions de crédits compte se développer prochainement.

L’entreprise américaine octroie des crédits en se basant sur les informations qu’elle a déjà en sa possession : date de création de l’entreprise et date d’inscription sur la place de marché, chiffres d’affaires réalisés sur la plateforme, avis des clients, etc. Elle prélève ensuite des mensualités sur le chiffre d’affaires de la société emprunteuse pour rembourser le prêt. D’après Amazon, plus de 50% des prêts sont accordés le jour même de la demande grâce à la simplicité de la procédure (Collen, 2016). Au Royaume-Uni le taux d’intérêt est fixe : 5,9% plus 1% de commissions et les entreprises peuvent emprunter jusqu’à plusieurs centaines de milliers de Livres Sterling. Sachant que les taux d’intérêt de la principale plateforme de crowlending britannique Funding Circle commencent à 6%, Amazon Lending se présente comme une concurrence frontale pour le secteur. Bien entendu il s’agit d’un marché de niche et Amazon Lending ne peut pas cibler l’ensemble des entreprises mais la volonté des géants de l’internet de s’étendre dans le milieu financier peut légitimement inquiéter les acteurs du marché du crédit.

En France, la loi pour « la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques », dite « Loi Macron » autorise depuis le 25 avril 2016 le prêt interentreprises. Les entreprises peuvent désormais prêter sur une durée maximum de deux ans leur excédent de trésorerie à d’autres entreprises. La principale condition est que l’emprunteur et le prêteur doivent justifier d’un lien économique. Cette loi devrait faciliter l’arrivée d’acteurs comme Amazon sur le marché du crédit. Nous pensons que d’autres entreprises bénéficiant d’informations suffisantes sur les emprunteurs grâce à l’exploitation du « big data » chercheront à entrer sur le marché. L’entrée de nouveaux acteurs disposant de ressources importantes tant en termes financiers qu’en termes de connaissance du marché représente une réelle menace pour l’industrie naissante du crowlending en France.

Le modèle du financement participatif est confronté à quelques faiblesses structurelles. Certaines faiblesses semblent difficilement contournables tandis que d’autres doivent être étudiées pour y apporter une réponse adéquate et chercher à diminuer leurs impacts. Les dirigeants de plateformes de crowdlending doivent prendre en compte dans leurs décisions les menaces qui pèsent sur le secteur pour pouvoir les anticiper et éviter de s’y retrouver confronter.

Pour poursuivre sa croissance, le financement participatif doit capitaliser sur ses forces et saisir les opportunités qui se présentent. C'est ce que nous verrons dans notre prochain post !

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