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Facteurs macroéconomique influençant le financement participatif

  • Etienne
  • 20 févr. 2017
  • 9 min de lecture

Chapitre II – L’essor du financement participatif est-il conditionné par l’environnement macroéconomique ?

2.2 - Facteurs macroéconomiques influençant le financement participatif

Innover dans le milieu financier n’est pas chose aisée. L’innovation se confronte à une réglementation contraignante et à des acteurs bien établis qui ont tendance à dissuader tout esprit d’innovation. Cependant, cet ordre établi ne semble plus répondre aux attentes des consommateurs. Un décalage entre l’offre existante et la demande est apparue. Ce décalage a été accentué par la crise financière. Au lendemain de la crise en 2008, les banques n’ont pas su répondre au besoin des sociétés non financières et la crise s’est propagée à l’ensemble du tissu économique. Par manque de liquidité et de visibilité les banques ont restreint les crédits octroyés aux entreprises contraignant celles-ci à limiter les investissements. L’image des banques s’est dégradée auprès de leurs clients, l’idée que les banques sont responsables de la crise s’étant répandue dans l’opinion publique. Les décisionnaires ont cherché des voies pour réduire l’impact de la crise et la dépendance des entreprises aux établissements de crédits classiques. Des solutions sont apparues en ce sens forçant la réglementation à évoluer.

2.1 Evolution de la réglementation

La crise de 2008 a fortement frappé l’économie européenne. En 2013, l’Union Européenne comptait plus de 25 millions de chômeurs. Les petites et moyennes entreprises ont été particulièrement touchées. A travers sa stratégie « Europe 2020 », lancée en 2010, la Commission Européenne a souhaité réagir et a conduit une étude pour identifier les solutions à mettre en place pour renouer avec la croissance économique. Consciente du rôle clef de l’entreprenariat pour créer de l’emploi et de la croissance, la Commission a présenté en janvier 2013 au parlement européen son plan d’action « Entreprenariat 2020 » pour « raviver l’esprit d’entreprise en Europe » (Commission Européenne, 2013).

Dans son plan d’action, la Commission cherche à apporter une réponse politique aux difficultés actuelles et propose une série de mesures pour retrouver un niveau d’emploi élevé en soutenant les entrepreneurs et le développement des petites entreprises. Un des axes majeurs du plan d’action est le développement de solutions de financements pour les entreprises. En effet une consultation publique lancée par la Commission en juillet 2012 a montré qu’il s’agissait d’un des principaux freins à l’entrepreneuriat en Europe. Partant du constat que les PME sont très dépendantes des prêts bancaires, le rapport évoque le besoin de développer des « solutions de substitution » pour diminuer l’impact du resserrement des crédits. Ces solutions de substitutions viendraient compléter les financements privés disponibles. Ceci doit se faire en parallèle à l’amélioration de l’accès à l’information sur les possibilités de financements.

Commission Européenne: plan d’action « Entreprenariat 2020 »

Dans le plan d’action « Entreprenariat 2020 » présenté au Parlement européen, la Commission encourage les Etats membres à  « Apprécier la nécessité de modifier leur législation financière nationale, en vue de faciliter de nouvelles formes de financement pour les jeunes pousses et les PME en général, plus particulièrement les plates-formes de crowdfunding » ou également à "étudier […] la nécessité de simplifier la législation fiscale afin de stimuler le développement de nouveaux types de marchés de financement, par exemple les investissements par des business angels". L’Union européenne réforme sa gouvernance économique afin que sa politique soit au plus près des besoins des entreprises dans l’objectif de relancer la croissance. Pour cela, elle invite les pays membres à prendre des initiatives pour développer les sources de financements en créant des alternatives au financement bancaire. Cette stratégie permet de voir quelle politique nationale fonctionne afin de s’en inspirer pour créer à l’avenir un écosystème européen favorable à l’essor d’entrepreneurs et de petites entreprises.

En France, les premières initiatives pour créer de nouvelles sources de financement ont eu lieu bien avant les discussions au Parlement Européen. Dès 2008, deux entrepreneurs fondent Wiseed, la première plateforme européenne de financement participatif en capital. Wiseed se concentre à ses débuts uniquement sur le financement d’amorçage de startups et créé ainsi une nouvelle forme de capital-investissement. Toutefois malgré le succès rencontré auprès des investisseurs particuliers, l’entreprise évolue dans un flou réglementaire. En 2012, l’Autorité des Marchés Financiers ordonne à la plateforme d’arrêter son activité. Des échanges ont alors lieu avec le ministère de l’Economie et des Finances pour créer un cadre règlementaire à cette activité naissante et lui permettre de se développer. En 2013, les Assises de l’Entrepreneuriat sont lancées à l’initiative de Fleur Pellerin, alors ministre du numérique. L’objectif est de faire émerger des solutions pour soutenir l’entreprenariat. Les fondateurs de Wiseed participent aux discussions pour aboutir sur un texte favorisant l’investissement participatif en définissant un cadre juridique clair.

Les discussions ont rapidement dépassé le cadre du crowdfunding et du crowdequity pour s’intéresser à une autre forme de financement participatif : le prêt.

Suite aux directives européennes invitant les pays de l’Union à innover en termes de financement d’entreprises, des échanges ont débuté pour élargir la portée du financement participatif. S’inspirant d’exemples au Royaume-Uni ou encore aux Etats-Unis, pays pionniers dans les plateformes de prêts, des entrepreneurs français ont voulu appliquer ce financement en France. Au-delà même des exemples des pays anglo-saxons, Vincent Ricordeau, co-fondateur de la plateforme de crowdfunding Kiss Kiss Bank Bank, a identifié là un vrai besoin pour les entreprises. De par son expérience dans le financement participatif du don avec contrepartie, puis dans un second temps dans le prêt solidaire via Hello Merci, il a identifié un besoin non couvert par les solutions existantes : une recherche de montants plus élevés par les entreprises. Chez Kiss Kiss Bank Bank, ils étaient persuadés qu’ils pouvaient répondre à ce besoin à condition d’attirer un nombre plus important de particuliers en rémunérant l’argent que ces derniers prêteraient. Ceci impliquait de créer une nouvelle façon d’émettre des titres de dettes et en conséquence de se confronter directement au monopole bancaire.

Se confronter au monopole bancaire a nécessité de longs échanges avec le ministère de l’Economie et des Finances et des sessions de travail intenses. Le monopole bancaire concernant la réception de fonds du public et la distribution du crédit, une dérogation était nécessaire pour permettre à des plateformes de prêter à des entreprises ou des particuliers. Ce monopole date de la Loi n°41-2532 du 13 juin 1941 relative à la réglementation et à l'organisation de la profession bancaire. Cette loi a par la suite été abrogée en 1984 mais la définition du métier bancaire n’a pas changé5. L’article L511-5 du code monétaire et financier stipule qu’il « est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit ou une société de financement d'effectuer des opérations de crédit à titre habituel. Il est, en outre, interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit de recevoir à titre habituel des fonds remboursables du public ou de fournir des services bancaires de paiement». S’attaquer à une loi mise en place il y a plus de 70 ans et peu amendée depuis fut un vrai défi.

Le gouvernement est soucieux de maîtriser l’essor du financement participatif. En effet, bien qu’il y ait une envie de développer de nouvelles solutions de financements pour les entreprises, l’Etat souhaite protéger les particuliers prêteurs. Le texte doit soutenir l’innovation tout en se montrant suffisamment prudent pour contenir le risque lié à l’ouverture des opérations de crédit à des acteurs non bancaires et à un public non averti. Le retard qu’a pris la France dans l’ouverture du marché du crédit aux acteurs non bancaires lui permet d’avoir plus de recul sur le financement participatif et d’anticiper d’éventuelles dérives en les encadrant juridiquement.

Le texte autorisant des exceptions au monopole bancaire en faveur du crowdlending est décrété le 16 septembre 2014 par le Ministre de la Finance Michel Sapin et le Ministre de l’Economie, de l’industrie et du Numérique Emmanuel Macron. Il entre en vigueur le 1er octobre 2014 sous le décret n°2014-1053. Ce décret favorise le développement du crowdlending en créant le statut d’Intermédiaire en Financement Participatif (IFP) permettant d’identifier clairement les entreprises autorisées à exercer ce métier. Le statut impose à l’intermédiaire des obligations telles qu’ « un rapport d’activité de l’année civile précédente présentant son dispositif de gouvernance et indiquant le nombre et le montant total des projets reçus et retenus dans l’année, le nombre des projets effectivement financés, le montant total des financements sous forme de crédits, prêts sans intérêt et dons, le nombre total de prêteurs, le nombre moyen de prêteurs par projet, le montant moyen des crédits, prêts sans intérêt et dons par prêteur et les indicateurs de défaillance » (Journal Officiel de la République Française, 2014).

L’objectif assumé du texte est de créer suffisamment de transparence pour assurer une information optimale aux prêteurs particuliers. Tout est fait pour encourager le développement de cette activité tout en cherchant à contenir le risque qu’elle représente. A titre d’exemple, un prêteur ne pouvait pas jusqu’à récemment prêter plus de 1000€ par projet, il est ainsi contraint de diversifier ses investissements et limiter par conséquent le risque pour son épargne. Les intermédiaires sont obligés de publier les critères d’éligibilités des entreprises à financer sur leur site web. De plus ils doivent fournir aux prêteurs les informations recueillies pour l’analyse financière et la sélection des dossiers. Les prêteurs disposent ainsi des liasses fiscales et du bilan généralement des trois dernières années pour se faire leur propre jugement. Les plateformes sont toutefois tenues d’analyser en amont les projets et d’attribuer une note à l’entreprise selon le risque de défaut identifié. Notons aussi que le statut IFP donne accès au fichier bancaire des entreprises (FIBEN) de la Banque de France (Ordre des Experts-Comptables, 2016). Ce droit permet de remonter à la Banque de France les informations telles que le montant des prêts octroyés, l’encours, et les impayés qui pourraient survenir, des projets financés sur les plateformes. Au-delà de la responsabilité éthique de rembourser des prêteurs particuliers, les entreprises sont donc tenues de rembourser les emprunts pour ne pas voir leur cotation bancaire se dégrader. Enfin, dans l’article R. 548-9 le décret prévoit l’éventuelle défaillance des plateformes. Les intermédiaires ont l’obligation de conclure un contrat avec un prestataire de services de paiement pour gérer l’extinction de ses activités « dans l’hypothèse où il ne serait plus en mesure de continuer à les exercer ». En d’autres termes, l’agent de services de paiement aurait la charge de collecter les mensualités des entreprises pour les remettre aux prêteurs jusqu’à la maturité de tous les contrats financés via la plateforme défaillante. Le décret se veut le plus exhaustif possible pour bâtir une relation de confiance et attirer l’épargne des français sur des investissements plus risqués.

Deux statuts ont également été créés pour mieux encadrer l’activité de financement en capital. Le premier est Conseiller en Investissement Participatif (CIP) et est délivré par l’ORIAS. Il autorise la gestion d’une plateforme de financement sous forme d’actions d’entreprises. Tout comme le statut d’IFP, les gérants doivent remplir des conditions d’âge, d’honorabilité et de compétence et ne peuvent exercer qu’en France. Jusqu’à récemment, les levées de fonds des entreprises sur les plateformes accréditées CIP étaient plafonnées à un million d’euros. Le deuxième statut est celui de Prestataire de Services d’Investissement (PSI). Il est délivré par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR)10 et est plus contraignant à obtenir. Il nécessite un capital minimum (50 000€ dans le cas où la plateforme ne détient pas de fonds ou de titres de sa clientèle, 125 000€ si elle en détient). Contrairement au statut CIP, les plateformes PSI peuvent exercer au sein de l’Espace Economique Européen et n’ont pas de montant maximum pour les levées de fonds. L’activité des plateformes bénéficiant du statut CIP ou PSI est contrôlée par l’Autorité des Marchés Financiers.

L’industrie du financement participatif étant naissante la législation se veut évolutive pour s’adapter au développement du secteur. Ainsi, pour répondre aux premiers succès du secteur, des modifications ont été déjà été apportées au code monétaire et financier amendé par le décret n°2014-1053. Un nouveau décret, publié le 28 octobre 2016 sous le n° 2016-1453 revoit à la hausse les seuils établis dans le premier décret relatif aux titres et aux prêts proposés dans le cadre du financement participatif. Ainsi les prêteurs ont désormais le droit de prêter jusqu’à 2000€ par projet de financement en dette contre 1000€ jusque-là. Le nouveau texte prévoit également la création de minibons. Spécialement conçus pour le crowdfunding, les minibons sont des bons de caisse qui permettent aux entreprises de se financer en émettant des titres de créances. Ces titres pourront être échangés sur les plateformes bénéficiant du statut CIP ou PSI et souscrit tant par des particuliers que des institutionnels. De plus, le plafond du montant maximum levé sur des plateformes CIP est relevé à 2,5 millions d’euros (Journal Officiel de la République Française, 2016). On note une volonté de poursuivre le développement du financement participatif en élargissant sa portée afin d’atteindre un plus grand nombre de prêteurs et investisseurs d’un côté et d’entreprises de l’autre.

Le secteur semble bénéficier d’un réel soutien des pouvoirs publics. L’Etat voit dans le financement participatif un moyen de pallier au manque de financement de certaines entreprises. Ajouter un maillon dans la chaîne de financement représente une opportunité pour l’économie du pays. Le financement participatif en actions permet dans de nombreux cas d’assurer le financement d’amorçage de startups. Il s’agit d’un des moments les plus critiques dans la vie d’une jeune entreprise. Celle-ci a besoin de fonds au début de son existence pour investir et se développer mais très peu d’acteurs financiers sont prêts à investir dans une entité nouvellement créée. Le manque de liquidité entraine alors généralement la disparition de la société.

Le crowdlending assure quant à lui un financement rapide aux entreprises ayant un besoin urgent de fonds. Ces nouvelles solutions sont autant de moyens de préserver l’emploi en France et de soutenir la croissance en supportant les besoins de financement des entreprises. Le soutien politique est clé pour faciliter l’essor du secteur. Il permet de faire fléchir la législation pour encourager l’innovation en s’opposant au modèle en place tout en créant un cadre sain pour le développement de cette industrie. Il crédibilise le financement participatif tant auprès des autres acteurs financiers que des entreprises et des particuliers. Rompre avec le monopole bancaire ne pouvait se faire sans construire un cadre juridique clair et protecteur pour éviter les dérives. Cet accompagnement du gouvernement a permis de créer un écosystème équilibré entre protection des prêteurs et investisseurs d’une part et innovation dans les solutions de financements pour les entreprises d’autre part et permet de légitimer le financement participatif pour qu’il puisse s’imposer dans le paysage du financement de PME en France.

Dans le prochain post nous verrons les conséquences la politique monétaire de la banque centrale Européenne sur le développement du financement participatif et la riche ressource que représente l'épargne des français.

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